De plus en plus, les entreprises prennent conscience de la nécessité de soutenir leurs collaborateurs « aidants ». Des dispositifs légaux existent comme le congé de proche aidant auxquels, au travers de leurs conventions collectives ou accords QVT, les entreprises ajoutent des briques : panier de services, aménagements des horaires de travail, dispositifs de dons de jours par les salariés eux-mêmes, …. Quand la personne aidée vient à disparaître, ces accompagnements s’interrompent. Pour autant, face au deuil de l’être cher, le salarié aurait alors besoin d’une autre forme de soutien pour un retour au travail serein. En effet, le deuil a un impact significatif non seulement sur la vie personnelle mais aussi sur la vie professionnelle. Et, que le salarié ait fait connaitre ou non son rôle d’aidant dans l’environnement de travail, il y a une spécificité du décès après une longue maladie.
Cet article apporte les clefs de compréhension sur cette situation permettant notamment d’éviter les maladresses au retour de la personne.
Des émotions ambivalentes
La finitude est une réalité inévitable de la vie : nous vivons avec cette connaissance et pourtant le sujet est malaisant. Les proches aidants d’un parent ou d’un conjoint malade vont côtoyer alternativement le déni de la fin et l’observation du renoncement de la personne aimée à se battre pour guérir. Ce renoncement à déployer l’énergie nécessaire pour survivre, appelé syndrome de glissement, renvoie l’aidant à son impuissance.
Intervient alors ce qu’on appelle le deuil anticipé ou encore pré-deuil. Il s’agit d’une prise de conscience de l’issue à venir accompagnée de processus psychologiques pour amortir le choc émotionnel du décès lorsqu’il surviendra. Lorsque ce dernier survient, deux sentiments cohabitent alors : le chagrin et le soulagement (l’être cher n’a plus à souffrir physiquement). Pour autant le chemin du deuil n’est pas plus aisé ou raccourci : l’aidant ressent souvent de la culpabilité, il se pose des questions sur la qualité des soins dispensés les derniers moments, sa responsabilité : « qu’aurait-il dû faire ? » ou « faire autrement ? ». Sa culpabilité mélangée à sa douleur peut prendre la forme de la colère. Comme Marie, veuve d’Éric qui nous confie sa consolation avec la fin des souffrances ce qui ne l’empêche pas de fulminer dès qu’une personne lui dit : « c’est un soulagement, c’est beaucoup mieux comme cela ».
Lorsque la mort vient clore une longue maladie, retrouver une certaine normalité est compliqué pour le proche aidant. C’est comme s’il avait perdu le mode d’emploi d’une vie normale. Il va falloir combler son quotidien maintenant que le malade n’est plus. Il va falloir repositionner son identité sans l’être cher. L’activité professionnelle peut s’avérer très utile pour remettre des repères dans une vie qui vient de les perdre. Cela sera d’autant plus le cas si la personne reçoit de la compréhension sur sa situation et du soutien à son retour.
Quel accompagnement en entreprise au retour au travail après un deuil ?
Selon une enquête réalisée par l’Observatoire du Management Intergénérationnel (OMI), environ 60% des entreprises en France disposent d’une politique de soutien au deuil, mais seulement 30% des salariés se sentent réellement soutenus par leur employeur lorsqu’ils font face à une perte. Selon une autre étude réalisée par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), environ 85% des personnes endeuillées rencontrent des difficultés dans leur vie professionnelle, et près d’un tiers d’entre elles estiment que leur employeur n’a pas été compréhensif à leur égard. Citons quelques défis rencontrés par les employeurs ou les collaborateurs concernés :
- Une communication difficile : les employeurs peuvent avoir du mal à trouver les mots justes pour exprimer leur soutien et leur compassion envers un employé en deuil, tandis que les personnes endeuillées peuvent se sentir isolées ou mal à l’aise pour aborder la situation avec leurs collègues ou leur supérieur hiérarchique. Christophe Fauré, psychiatre et psychologue a écrit la lettre adressée à ceux qui veulent m’aider à mieux traverser le deuil, en voici un extrait : « Pour l’instant, je survis même si je fais des efforts pour ne pas trop montrer aux autres l’intensité de ma détresse. Comprends-le : je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. Je ne veux pas les regards condescendants, ni les phrases convenues qui m’enferment dans un statut de « pauvre victime » ».
- La gestion de la charge de travail : les personnes en deuil peuvent avoir du mal à se concentrer sur leurs tâches professionnelles en raison de leur chagrin et, le cas échéant, de l’éloignement du travail pendant une période longue. Faire et garder « une bonne figure » est énergivore, la fatigue se fait souvent sentir dans les mois qui suivent la disparition. On peut observer aussi un bouleversement des priorités de vie pour la personne. Afin d’éviter le risque d’une accumulation de travail ou des retards dans les projets, un déchargement de certaines tâches peut être envisagé ou, si la personne a été absente longuement, la réaffectation du travail pourra se faire progressivement pour lui laisser le temps de reprendre le rythme. De même, dans ce cas-là, il faudra avant son retour voir si certains points méritent un accompagnement particulier (un nouvel outil, un changement de procédures, …) en l’informant de tous ce qui seraient intervenus lors de son absence.
- Le maintien de la cohésion d’équipe : lorsqu’un membre de l’équipe est en deuil, cela peut affecter le moral et la dynamique de toute l’équipe. Il est essentiel de garder malgré tout de la légèreté, de conserver les rituels d’équipe et les moments de convivialité.
En conclusion, le deuil en entreprise est un sujet complexe mais important à aborder. En mettant en place des politiques et des pratiques de soutien appropriées, les entreprises peuvent contribuer à atténuer l’impact du deuil sur leurs employés et à promouvoir un environnement de travail plus humain et compatissant.